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jeudi 17 juin 2021

GUIVRY - EPHEMERIDE - 17 JUIN

Cela s'est passé à Guivry le 17 Juin 1917


Journal d’Edouard Coeurdevey :

« Misere mei Deus, secundum magnam misericordiam tuam". (Aie pitié de moi, mon Dieu, dans ta grande miséricorde).

C'est le cri qui monte du tumulte de ma poitrine…

Seigneur, délivrez-moi de cette heure, car les angoisses m'ont environné…

Et durant tout le sacrifice de la messe j'ai plié sous mon trouble.

A peine ai-je pu contenir mes larmes. Et par surcroît un grand soldat officiait, avec des gestes ardents et convaincus, un beau prêtre au front haut et énergique, des yeux noirs flamboyants qui s'agrandissaient quand la phrase du sermon éloquent était plus pleine de force et de foi. Une belle barbe noire achevait la ressemblance avec Maurice et cela suffisait au-delà pour me mettre en résonance passionnée.

Il dit des choses justes et claires et ferventes sur nos pauvres natures de misère et de déchéance, sur notre besoin de jouir de Dieu, de monter, d'aspirer au moins vers quelque chose de meilleur et de supérieur à la misère, à la servitude, à l'ignorance où nous attire et nous maintient notre pauvre chair de souffrance et de péché…

Qu'au moins, Seigneur, cette angoisse serve à votre gloire et à mon salut, à ma libération, à mon relèvement.

Bénies soient les douleurs, ô mon Dieu, pourvu que votre amour s'en nourrisse et qu'il y trouve son dégagement et sa liberté.

Mais peu à peu, le calme et le trouble s'harmonisent au rythme de la cérémonie.

Au Pater, j'ai dit avec ferveur le « Fiat voluntas tua » (que ta volonté soit faite), et il me semble que Dieu m'a un peu visité et apaisé vers la fin, au Pax Domini sit semper vobiscum" (Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous).

Et maintenant, je songe à cette étrange loi des destinées où chaque âme roule selon une mystérieuse impulsion sur la table infinie, heurte d'autres âmes, dévie, rebondit, roule, revient, recule, repart, heurte encore, semble délivrée, puis par une déconcertante concordance des lois du mystérieux billard de la vie, doit par suite d'un premier choc avec une âme en frapper d'autres, d'autres encore, insoupçonnées, imprévues, inévitablement…

Je songe à cette folie de l'Autrichien inconnu qui se répercute en moi et a causé sans le prévoir, sans le savoir, par ricochet, cette angoisse d'aujourd'hui.

Et cela dans les vies en apparence simples et calmes.

Marguerite ne m'écrivait-elle pas récemment : « à toi dont la vie fut toujours droite… »

La pauvre, elle ne se doute donc pas qu'au fond de chaque homme se cache un misérable, et que moi, qui lui semble un pur, un sage, un brave homme, je pourrais écrire une histoire toute banale, hélas avec ce titre qui serait aussi une conclusion : « Comment je suis devenu un criminel ».

Et en épigraphe la terrible pensée de Pascal : « Qui veut faire l'ange, fait la bête ».

« Il a changé depuis tant de mois et tant de mois. Il change jour à jour. Ce n'est plus l'enthousiasme ardent et grave qui illuminait toutes les faces au tragique soleil d'août 1914. C’est une expression obstinée et farouche à laquelle il serait désormais criminel de se méprendre. Les nerfs sont au bout de leur tension. On en a trop vu, trop entendu, on a trop pâti. Trois ans de guerre ont mené dans toutes les âmes, la sainte image de la paix ». Victor Margueritte. Œuvre 18/5. »

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