Cela s'est passé à Guivry puis à Coucy-le-Château le 25 Août 1912
Journal Le Réveil de l’Aisne du 28 août 1912
« Coucy-le-Château. La réception du Bouquet provincial.
Il y a eu 17 ans, au mois de mai dernier, la Compagnie d’arc de Coucy-le-Château organisait comme elle le fit avant-hier, 25 août, la réception du Bouquet provincial. Les jeunes filles d’alors sont devenues des mères de famille, pour la plupart ; les archers sont devenus des chevaliers accomplis, quelques-uns sont, hélas ! parmi ceux que l’âge, les fatigues ou la maladie ont conduits au tombeau.
Le temps, qui marche à pas de géant, a accompli l’évolution d’un siècle depuis cette date – ou plutôt depuis 12 ans, et nombreux étaient ceux qui, dimanche, se remémorant la fête du 15 mai 1895 regrettaient, tout en prenant une part très active à celle du 25 août 1912, de n’avoir plus à vivre des dix-sept années écoulées ! On ne peut pas être et avoir été dit l’adage ; il faut donc accepter philosophiquement l’écoulement des jours et des mois, par quoi se composent les années.
Les chevaliers de l’arc sont toujours jeunes et s’ils ont, même à l’âge où les tempes grisonnent, toujours bon pied bon œil et bon bras, ils le doivent au sport essentiellement pacifique qu’ils pratiquent.
Les archers de Guivry, sous la conduite de leur dévoué capitaine M. A. Lequeux et accompagnés des jeunes filles qui avaient pris part à la parade du 25 mai dernier s’étaient donné rendez-vous à Chauny avec l’Harmonie Municipale. A 9h ¼ le cortège se formait à la salle des répétitions, boulevard Gambetta, M. Bonnival en prenait le commandement et un court défilé avait lieu par la rue Hébert, la rue du Pont-Royal, le Marché-Couvert, la rue Arthur-Lacroix, puis la dislocation se faisait à la gare où l’on se hâtait de gagner les compartiments du train déjà presque complet.
Le convoi quitte la gare de Chauny avec quelques minutes de retard. Aussitôt un groupe de musiciens organisés en orchestre de « route » fait entendre quelques accents de circonstance. Il en sera ainsi à chaque arrêt du train sur le parcours de Chauny à Coucy-gare où l’on arrive sans encombre et tous joyeux.
M. Grognot, le capitaine de la compagnie d’arc de Coucy, accompagné de M. René Randon, son lieutenant, est à la gare, il reçoit ses invités de la plus cordiale façon et ceux-ci escortant les jeunes filles de Guivry, la petite troupe se met en devoir de gagner la porte de Chauny ; la montée se fait lentement pour ne pas fatiguer les charmantes porteuses du bouquet.
A la porte le cortège s’organise. Il est onze heures ; le clergé prend la tête du défilé qui se fait jusque sur la place de l’Hôtel-de-Ville ; des banderoles supportées par des montants fleuris expriment aux invités les souhaits des habitants de Coucy : « Soyez les bienvenus » ; « Honneur aux Archers », et sur la place même, où se fait la réception du Bouquet : « Honneur aux camarades ». Sous ce portique magnifiquement décoré, les drapeaux se saluent pendant que les tambours battent « aux drapeaux ».
Les archers et les jeunes filles de Coucy sont là accompagnés de M. D. Roquin, maire, et du conseil municipal. Après le salut aux drapeaux, M. Roquin souhaite la bienvenue aux invités ; il le fait en ces excellents termes :
Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,
Il existe un très
aimable usage qui veut que, dans des circonstances comme celles qui nous
rassemblent aujourd’hui, le maire ait le privilège d’adresser les souhaits de
bienvenue.
C’est pourquoi j’ai
l’honneur de me présenter devant vous, saisissant ainsi une agréable occasion
de vous exprimer de tout cœur la satisfaction que nous éprouvons à vous
accueillir parmi nous, dans notre bonne ville de Coucy. Soyez donc tous les
bienvenus, vous Mesdames, vous Messieurs les archers de Guivry et vous tout
particulièrement Mesdemoiselles qui, avec votre grâce souriante, apportez tout
à la fois dans nos murs un magnifique bouquet et le charme de votre jeunesse.
Vous avez à vos côtés
nos charmantes demoiselles de Coucy et je suis persuadé que, tout à l’heure,
lorsque la pompe officielle aura disparu, vous en ferez vos fidèles amies.
Je ne veux pas oublier
tous ceux qui, à différents titres, font partie de ce cortège et j’adresse un
bien sympathique salut à M. Somon, président de la Ronde, qui a bien voulu
s’associer à cette fête, à l’excellente Harmonie Municipale de Chauny qui, si
habilement dirigée par son distingué chef M. Bonnival, a bien voulu prêter son
gracieux concours.
La réception qui vous
est faite aujourd’hui est pour ainsi dire le prélude des fêtes qui se préparent
pour l’an prochain et auxquelles nous souhaitons le plus vif éclat.
Encore une fois, soyez les bienvenus ; vive Guivry, vivent les archers de Guivry !
Mlle Jeanne Létoille, de Guivry, prend la parole au nom de ses compagnes. C’est d’une voix très sûre et sans se laisser intimider par le carillon qui tinte malencontreusement à ce moment, qu’elle adresse aux jeunes filles et aux archers de Coucy :
Mesdemoiselles,
C’est avec un bien vif
plaisir que nous avons accepté la gracieuse invitation qui nous a été faite par
MM. les Archers de Guivry, de venir aujourd’hui vous remettre le bouquet que
nous offrons à la Compagnie d’arc de Coucy-le-Château.
Ces modestes fleurs
que nous vous remettons sont le symbole des liens d’étroite union, d’amitié
sincère qui unissent entre eux tous les membres des compagnies d’arc.
Veuillez les accepter,
Mesdemoiselles et chères amies et les conserver précieusement ; elles vous
rappelleront le souvenir de cette belle journée.
L’aimable accueil que
nous recevons aujourd’hui nous fera certainement regretter les trop courts
instants que nous allons passer parmi vous ; mais à présent que nous avons
le plaisir de vous connaître, nous pouvons vous assurer que nos cœurs vous sont
largement ouverts et que nous ne vous oublierons jamais.
Tous nos efforts
tendront à ce que cette amitié qui existe aujourd’hui entre nous s’accroisse
encore davantage et que si, dans une vingtaine d’années, les jeunes filles de
Guivry apportent encore à Coucy un nouveau bouquet à votre Compagnie d’arc,
elles trouvent comme nous un accueil charmant et des cœurs largement ouverts.
En terminant,
permettez-moi, mes chères amies, de vous souhaiter à toutes, ainsi qu’à la
Compagnie d’arc de Coucy-le-Château, de conserver toujours ce bel entrain,
cette parfaite union qui fait le charme et la beauté de ces belles fêtes de
l’arc.
Vivent les jeunes
filles de Coucy-le-Château !
Vivent les Compagnies d’arc !
Mlle Suzanne Grognot lui répond, elle le fait avec aisance :
Mesdemoiselles,
C’est avec une bien
grande joie et un bien grand plaisir que nous acceptons votre magnifique
bouquet ; je suis particulièrement heureuse de l’honneur qui m’a été
dévolu, en cette circonstance solennelle de pouvoir vous remercier au nom de
mes compagnes de Coucy-le-Château, j'en garderai un inoubliable souvenir.
Et si les fleurs sont
l’emblème de l’affection et de la reconnaissance, vous pouvez être assurées,
Mesdemoiselles, que ni l’une ni l’autre ne vous feront défaut et que nous
saurons vous payer sous ce rapport ce tribut si bien mérité. Comment ne pas
être en admiration devant ce bouquet aux gracieuses et vastes proportions, aux
couleurs les plus expressives, aux fleurs les plus variées ? Rien n’y
manque, ni le goût, ni la forme, nous garderons précieusement ces fleurs à côté
de celles que reçurent nos aînées en 1896.
Merci, Mesdemoiselles et chères amies de Guivry, d’avoir répondu en si grand nombre à l’invitation de la Compagnie d’arc de Coucy, et, du plus profond de mon cœur, merci pour votre si joli bouquet et aussi et surtout pour pour les bons souhaits que vous venez de nous exprimer aussi gentiment.
M. A. Lequeux, maire de Guivry et capitaine de la Compagnie d’arc parle au nom de ses chevaliers :
Monsieur le Capitaine,
Messieurs les Archers,
Joie et
fraternité : Tels sont les deux sentiments qui nous animent en arrivant
dans votre pittoresque et intéressant pays de Coucy-le-Château, si dignement
représenté par toutes les autorités de la ville et de la Compagnie d’Arc toute
entière.
C’est, en effet, pour
nous, une grande joie, accompagnés par nos jeunes filles qui, jusqu’à ce jour,
ont fait tout ce qu’elles ont pu pour nous être agréables ; d’avoir à vous
offrir ce bouquet si gracieusement accepté par vos demoiselles, et aussi en
songeant que nous allons fraterniser ensemble toute la journée.
Si certaines coïncidences et des circonstances particulières ont fait changer l’ordre de
cette fête, nous en sommes très heureux, cela nous procure non seulement
l’aimable occasion de faire avec vous une nouvelle et plus intime connaissance,
mais aussi de faire ce joli voyage qui nous plaît beaucoup.
Dès maintenant, chers
camarades, c’est à vous qu’il appartiendra de continuer les chères et vieilles
traditions de la ronde de Chauny ; mais fixé par votre parfaite initiative
et votre organisation d’aujourd’hui, je suis convaincu que vous ne faillirez en
rien et que, par votre dévouement et votre bon accueil, vous aurez l’an
prochain avec le beau temps que je vous souhaite, la plus belle parade qui se
sera faite jusqu’alors.
Je termine en vous
priant, charmantes demoiselles, de recevoir nos plus sincères félicitations
pour la grâce et la joie que vous apportez toujours dans nos fêtes ; Et
vous, Messieurs les Archers, nous vous prions également d’accepter nos plus
chaleureux remerciements, pour votre amabilité et votre courtoisie.
Je dis bien haut : Vive la Compagnie d’Arc de Coucy ! Vivent les Archers !
Le capitaine des archers de Coucy, M. E. Grognot, lui répond en ces termes :
Messieurs et chers
Camarades,
La fête de la
réception du bouquet provincial dont vous avez par votre présence assuré le
succès, impose au capitaine de la Compagnie d’arc de Coucy, un devoir qu’il est
bien agréable de remplir : c’est à lui qu’incombe la mission de souhaiter
la bienvenue au nom de la Compagnie d’arc, à nos hôtes d’aujourd’hui.
Merci donc à vous, mes
chers camarades de la Compagnie d’arc de Guivry.
Merci, et de tout cœur
aux charmantes jeunes filles du cortège dont la grâce, la jeunesse, les
fraîches toilettes, sont le plus bel ornement ; elles sont le charme de ce
défilé, et leur présence, accompagnant ces vases et ses bouquets, donne à la
fête de ce jour sa note gaie et souriante.
Merci à Mme la
directrice de l’orphelinat qui met toujours si obligeamment ses demoiselles à
notre disposition, pour la confection de guirlandes ou tous autres travaux
d’ornementation, dont nous avons besoin pour nos fêtes.
Merci à M. Somon,
président de l’Harmonie Municipale de Chauny, à son distingué chef, M.
Bonnival, qui sont venus prêter leur concours apprécié à cette cérémonie ;
aux remerciements que je leur adresse ce matin, s’ajouteront l’après-midi, les
applaudissements qui se feront entendre pendant le concert auquel ils nous
convient.
En recevant
aujourd’hui ce bouquet, nous ne faisons que continuer les traditions de la
chevalerie ; nous espérons pouvoir provoquer tous les concours et tous les
encouragements, car, vous le savez, cette cérémonie n’est que le prélude des
grandes fêtes qui auront lieu ici en mai prochain.
Je suis heureux de présider
à ces belles réunions fraternelles, dans lesquelles l’amitié et la franche
camaraderie qui unit les archers, se manifestent chaque année dans notre région
avec le même succès.
Merci à toutes, merci à tous, et vivent les Compagnies d’arc !
Puis c’est au tour de M. Somon, capitaine de la Ronde de Chauny, président de la Fédération de l’Aisne et de l’Oise et président de l’Harmonie Municipale de Chauny de répondre aux souhaits de bienvenue qui lui ont été adressés en sa double qualité et d’en formuler à l’adresse des Coucysiens :
Messieurs,
Très touché des
paroles si aimables et des souhaits de bienvenue qui viennent de m’être
adressés et à l’Harmonie Municipale, par l’honorable maire et le dévoué
capitaine de Coucy, je les en remercie bien vivement.
C’est toujours un gros
événement pour une localité de recevoir, puis de rendre, le bouquet provincial,
ce n’est pas seulement la fête des archers, c’est aussi celle de toute la
population.
Il y a quelques
années, les traditionnels bouquets provinciaux se trouvaient localisés dans
notre région de Picardie et du Valois, tandis que maintenant des bouquets, des
championnats, sont institués un peu partout, c’est ce qui démontre le renouveau
de faveur de notre tir à l’arc, devenu un des sports les plus utiles au développement
des forces physiques ; c’est à cela sûrement qu’il doit de ne pas avoir
disparu, et d’être encore, après bien des siècles, en honneur aussi bien chez
nous qu’en Angleterre, en Hollande, en Belgique et même en Amérique.
Dans ce joli pays de
Coucy-le-Château où les traditions de bonne hospitalité sont connues bien
au-delà de nos frontières, nos archers sont certains de trouver, indépendamment
des nombreux prix qui seront offerts à leur adresse, le meilleur accueil ;
cette cérémonie de ce jour en est du reste un heureux présage pour l’année
prochaine.
Messieurs, vive Coucy !..
Tous ces discours sont chaleureusement applaudis, est-il besoin de le dire ?
Les jeunes filles de Coucy reçoivent alors le bouquet offert par leurs compagnes et par les archers de Guivry puis le cortège se reforme ; on remarque le gracieux effet produit par cet essaim de jeunes filles les unes aux écharpes bleu tendre, les autres aux écharpes réséda ; on remarque aussi le bouquet très coquet, monté sur un vase artistique du meilleur goût et où se lisent les dates et inscriptions d’usage. On se rend à l’église où M. le doyen officie. Le public est si nombreux que l’on a peine à trouver place.
Au prône, M. le doyen Dufour adresse aux musiciens et aux archers une élégante allocution que, n’eût été l’endroit, les auditeurs eussent certainement applaudie.
Puis l’Harmonie Municipale exécute, pendant l’Offertoire, le Chalet du Poète et, à la sortie, la Marche Picarde. Nouveau défilé en musique jusqu’à la place de l’Hôtel-de-Ville ; puis le cortège « officiel » vient s’arrêter devant le café de M. Ridont, où le vin d’honneur est servi. Enfin, toujours en musique, on conduit successivement les archers de Guivry à l’Hôtel des Ruines, les jeunes filles de Guivry à l’Hôtel de la Pomme d’Or et les musiciens à l’Hôtel du Donjon et l’animation dans les rues s’arrête un moment pour faire place à celle qui ne va pas manquer autour des tables abondamment servies et où la cordialité sera le meilleur condiment.
Mais à deviser gaiement, l’heure passe vite et l’on est tout surpris d’entendre déjà l’Harmonie, décidément infatigable, commencer son concert sur la place du Marché. On entend successivement la Marche de Turin, d’Andrieux ; l’Apothéose, une ouverture très remarquée de M. A. Bonnival ; L’Union, polka pour deux pistons où les duettistes se font applaudir.
Une gerbe de fleurs offerte à offerte à M. E. Somon, président de l’Harmonie et aussi, en quelque sorte, président effectif de toute cette fête des Archers ; puis, l’Harmonie se rend sur la place de l’Hôtel-de-Ville où elle exécute : La Traviata, le Souvenir de la Vallée de Munster et le Drapeau Français.
Là, une gerbe de fleurs est offerte à M. A. Bonnival, directeur de l’Harmonie, et, un peu plus tard, le bal des jeunes filles commence ; le temps un peu lourd s’est maintenu et le vent ferme permit au soleil de se « faufiler » de temps à autre entre les nuages fuyants ; en résumé, température et journée de fête splendides. A 5 heures, quelques invités et quelques visiteurs quittent la ville à regret pour descendre à la gare ; mais les plus favorisés, ce sont aussi les plus nombreux, restent à Coucy pour prendre part à la fête de nuit qui débute par un bal très animé, sur la place des Marronniers, sous la direction de M. Rondelle fils.
Le beau temps a également favorisé la fête de nuit. »
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