Cela s'est passé à Guivry le 15 Août 1917
Journal de Paul Pouillier :
« Départ pour Clastres.
Maintenant, c’est le moment décisif. Je viens de monter en renfort. Je puis dire adieu ! Les bonnes soirées de Laricharde. Les heures qui vont suivre seront des heures de souffrance et de luttes. Je sais bien que je n’ai pas à me plaindre. Je me suis souvent trouvé à l’abri mais maintenant, lorsqu’il s’agit de retourner au danger c’est toujours avec une certaine appréhension qu’on y va. L’homme si fort soit-il éprouve toujours un petit moment de défaillance. Principalement, cet état se manifeste lorsque pendant quelques temps on se trouve à l’abri du danger. Les nerfs sont détendus et il faut un certain temps pour s’habituer de nouveau à cette idée constante de la mort. Cet état, je l’ai éprouvé en quittant Laricharde. Comment n’en aurait-il pas été ainsi ? J’étais heureux là-bas ; aussi heureux qu’on puisse se trouver loin d’une famille aimée. Les habitants que je connaissais s’ingéniaient pour me faire oublier cet éloignement des miens. Et justement, je leur dois cet hommage, et plutôt cette justice que nulle part, depuis que je suis parti, je n’ai trouvés des civils, aussi agréables et aussi complaisants. Je mets Rouen à part. C’est un cas tout différent.
Ce matin, nous sommes partis de bonne heure. D’ailleurs pour commencer par le commencement, nous avons été prévenus hier au soir vers 2 heures de l’après-midi.
Certes depuis midi, nous savions qu’il y avait un renfort, mais ne connaissions pas encore ceux qui avaient été désignés. Je passe sous silence tout le travail que nécessite un renfort pour arriver à la journée d’aujourd’hui. Je note en passant qu’hier au soir, il nous avait été indiqué que nos sacs seraient portés par une voiture ? C’eut été pour nous un véritable soulagement, mais ce matin, après nous être levés de bonne heure, afin de ne pas manquer la voiture, l’adjudant de compagnie nous fit descendre les sacs, sous prétexte qu’aucun ordre n’avait été donné à ce sujet. Or au rassemblement (au bureau du BM), l’adjudant déclara que les sacs auraient dû être portés. Seulement, comme toutes les voitures étaient parties, nous fûmes obligés de les porter nous-mêmes. Je note en passant que comme toujours, on nous fit rassembler de bonne heure, presser sous prétexte que nous étions en retard, puis attendre une bonne heure l’ordre de départ. C’est ainsi que cela se passe au régiment.
Ma foi, la route de Guivry à Clastres est plutôt triste, on trouve de nombreux villages plus ou moins démolis. Villeselve et Cugny peuvent encore aller ; certes quelques maisons sont démolies, mais la majorité...Etc »
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