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lundi 10 janvier 2022

GUIVRY - EPHEMERIDE - 10 JANVIER

Cela s'est passé à Guivry le 10 Janvier 1906

Journal Le Guetteur de Saint-Quentin du 10 janvier 1906

On parle de nos Gadas dans le journal du 10 janvier.

« Un hameau en pleine forêt. (Du Réveil de l’Aisne)

Ce n’est pas comme pourrait le laisser croire le titre dont nous nous servons, que nous ayons découvert un nouveau monde, encore bien moins les vestiges d’habitations lacustres ou les silex de l’âge de pierre ; notre découverte n’a rien d’absolument intéressant au point de vue scientifique et ce que nous avons vu dimanche au cours d’une promenade matinale, d’autres avant nous l’avaient remarqué.

La découverte était d’autant plus facile à faire, qu’il s’agit de huttes de bûcherons occupés à l’abattage des taillis du bois de M. de Berny, pour le compte de M. Carpentier, marchand de bois, à Noyon.

Sur le versant Nord-Est de la colline, vers Commenchon, la hache des bûcherons a fait de grands vides déjà et nombreux sont ceux de nos lecteurs qui certainement ont aperçu les huttes auxquelles nous faisons allusion. Ce n’est plus un mystère pour les habitants de Guivry, Béthancourt, Caumont, Commenchon, etc…

Mais combien peu ont eu, comme nous, la curiosité de pénétrer plus avant dans la coupe et « d’interviewer », le mot est à la mode, l’un de ces rudes travailleurs ?

Posant-là la cognée et vous tendant une main calleuse aux doigts noueux comme des branches de charme, ils vous eussent souhaité la bienvenue. Leur langage est le notre avec une pointe de flamand, peut-être un peu de picard aussi, car ils ne quittent guère notre région du Nord-Ouest ; on se sent à l’aise avec eux, tout de suite : il n’y a pas de gêne de leur part ni d’autre et dans leur clairvoyance ils devinent bientôt s’ils ont affaire à un promeneur venu là au hasard, sans but, ou si, au contraire, le visiteur est un profane, désireux de voir et d’entendre. Dans ce cas, le chef de famille, c’est généralement lui qui vous répond, vous propose de l’accompagner jusqu’à sa « cabane ».

Au fait, il ne faut jamais refuser une invitation de ce genre, il y a gros à parier qu’une surprise vous attend et elle n’est jamais désagréable, les bûcherons ne sont pas des Ogres…

Vous ne connaissez pas la « yourte » du Tartare-Mongol, c’est fort probable ; nous non plus, mais d’une description que nous ayons lue quelque jour, il nous paraît évident qu’il y a entre la « yourte », ou logement du Tartare-Mongol et la hutte du bûcheron une singulière analogie.

Dans la construction de l’une comme de l’autre, il n’entre ni pierres, ni mortier, point de briques, ni de torchis, mais du bois à peine façonné, des branchages, de la terre et du gazon.

Et voici comment, en quelques heures, on élève une hutte : dès qu’une équipe de bûcherons a pris contact avec le propriétaire du bois à abattre, ou l’adjudicataire de la coupe et que l’accord sur le prix à forfait est intervenu, la tribu, car c’est quelquefois tout un petit peuple, se rend au village le plus proche, loue pour quelques jours seulement un immeuble ou s’installe dans un coin de la ferme ; les femmes et les enfants procèdent à l’ouverture des ballots qui contiennent les vêtements, le linge de corps, les outils et les ustensiles de cuisine. Les hommes se rendent au bois, portant les serpes, les haches, les hoyaux et les bêches.

En quelques minutes, la reconnaissance du taillis est faite, sur un terrain sec, sablonneux de préférence, l’emplacement des huttes est marqué par l’abattage de quelques brindilles, de scions ou de branches qui serviront de tracé. Chaque main est armée aussitôt ; de droite et de gauche les équipes qui se sont espacées déblaient le terrain ; il a fallu d’abord faire une trouée, c’est l’ « allée », puis « raser » le taillis, enlever le bois coupé et arracher les ronces et les brindilles folles.

Maintenant c’est le tour des bêches, il faut aplanir le terrain, couper les gazons en larges rectangles.

Des premiers arbres abattus, des bouleaux de préférence, on tire les étançons, les poutres et les soliveaux, grosso-modo, les plus gros sont refendus, sciés de longueur puis rangés de taille et tandis que les moins avancés continuent l’abattage les premiers procèdent à la mise en place des étançons qui vont servir de nervures aux murailles de terre.

La hutte est bientôt montée ; un solide clayonnage reçoit la terre tassée à la pelle que recouvrent des gazons, le toit est de même composition. Les contes de fée deviennent réalité.

La carcasse montée, il reste à achever l’intérieur, à boucher les interstices, à rendre le toit imperméable ; c’est un jeu pour ls bûcherons. Quelques heures encore et sur un rectangle de 7 mètres sur 4 s’élève une hutte au toit pointu, bien régulière, presque élégante en son aspect pittoresque.

Pas de fenêtre, une large porte qu’on ferme de quelques « dosses » solidement assemblées, sur le pas sud du toit, une « tabatière » fermée d’un verre épais distribuera la lumière.

Mais voici que du village la charrette arrive, apportant les bagages ; à la hâte on installe un poêle de fonte, il faut chauffer la hutte c’est le premier point en cette saison. Des ballots on tire la literie, paillasses rudimentaires, couvertures solides, draps de toile épaisse et sur des branches moyennes assemblées en forme de bois de lit, la ménagère installe tout cela, avec l’aisance d’une femme de chambre manipulant la literie d’un hôtel somptueux. La batterie de cuisine a ses rayons ; la lampe à pétrole son support ; il ne manque pas de sièges, le bois abonde en essences faciles à façonner. Dans un angle la place est réservée aux outils, dans un autre un clayonnage solide enserre les légumes apportés du village. Voici quelques porte-manteaux, ils n’ont rien de l’élégance de nos bambous vernis mais de même que l’habitation répond aux seuls besoins indispensables, le mobilier est forcément…primitif.

Quelques huttes comptent jusqu’à trois lits.

N’allez pas croire cependant que cet intérieur de hutte est sombre et enfumé, qu’on y pénètre en rampant ; ce serait une grosse erreur.

Du sol au plafond la hauteur minima est de 1m70 environ, 1m90 au centre ; pour ce qui est de l’aération, la porte suffit ; le poêle ne fume pas son tirage est assuré par un long tuyau qui traverse une plaque de tôle encastrée dans la toiture en clayons.

Les murs sont tapissés, l’expression n’est pas exagérée, de papiers peints disposés en banderoles et fixés à l’aide de clous et de rondelles de carton.

Ca et là quelques images sont accrochées aux parois ; un miroir reflète des cartes postales fixées sur le pan opposé. Chaque objet ou ustensile a sa place marquée ; avec un soin minutieux, une propreté « reluisante » la bûcheronne met sa hutte en ordre.

Sur le feu bouilloire et marmite chantent ; les copeaux, les écorces, les racines d’arbres fournissent un combustible suffisant et sain.

La brise vient-elle à souffler, on ferme la porte et le froid ne pénètre pas en la rustique demeure où règne une douce chaleur.

Sur le versant Nord-Est des taillis de M. de Berny s’échelonnent sept cabanes du genre de celle que nous venons de décrire ; toutes rivalisent de confortable rustique, de propreté intérieure. C’est qu’aussi le chef de chantier est là qui veille à tout ; c’est le patriarche de la « tribu » la plupart de ses auxiliaires sont ses fils, ses gendres ou même ses petit-fils qui s’essayent déjà au rude métier.

Dans ce hameau composé de sept demeures et comptant une vingtaine d’habitants, il ne règne que la cordialité ; travail et union semblent être la devise des bûcherons.

Cette vie simple et rude tout à la fois, a son charme ; elle a aussi le grand avantage d’être excessivement peu coûteuse, ce qui permet au bûcheron, dont le gain journalier est de huit à dix francs, en moyenne, d’élever sa famille et de penser à l’épargne pour la vieillesse, car il n’est pas indispensable de posséder un demi million pour vivre heureux quand on a une santé robuste et du travail ; or les bûcherons en ont ! » 














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