Cela s'est passé à Guivry le 19 Janvier 1898
Journal de la ville de Saint-Quentin du 26 janvier 1898
« Guivry. Un parricide.
Un habitant
de Guivry, le sieur Tardieux-Blondelle, dit Cadet,
manouvrier, âgé d’environ 48 ans, condamné nombre de fois pour violences ou
braconnage et jouissait, c’est une façon de parler, de la plus détestable
réputation dans le village, a failli être tué mercredi (19 janvier) vers 8
heures du soir, par son fils aîné Charles Tardieux, dans les conditions que
voici :
Depuis
longtemps, Tardieux père est la terreur de Guivry ; on ne compte plus les
rixes qu’il a commises. Cadet Tardieux
passe ses colères sur les siens.
Sa femme est
gravement malade, au lit, des coups qu’elle a reçus ; son fils aîné,
Charles Tardieux, âgé de 25 ans qui, en dépit de la phtisie qui le ronge,
concourt avec son frère puiné, Léonidas, à l’entretien de la maison, est
également l’objet de ses brutalités, et si Léonidas pâtit un peu moins, c’est
parce qu’il est un solide gaillard, et que le père craint qu’un beau jour ce
garçon se révolte.
Le dimanche
16 courant, une nouvelle querelle éclata entre Cadet Tardieux et son fils Charles. Le père le jeta dehors, le
menaçant de lui tirer un coup de fusil, il lui mit même le canon sur la
poitrine, s’il s’avisait de rentrer. Charles Tardieux partit désespéré,
ruminant sa vengeance.
Le lundi et
le mardi il alla à son travail ainsi que de coutume, mais ce malheureux, qui a
besoin de soins, devenait fou de chagrin. Mercredi dans la journée, il profita
de l’absence de son père, entra dans la maison et décrocha le fusil, prétextant
qu’il allait tuer des corbeaux.
Vers 8 heures
du soir, il revint, regarda à travers les carreaux de la fenêtre, aperçut son
père lisant au coin du feu, épaula et tira. C’était un crime qu’il commettait,
l’homme sur lequel il venait de faire feu était son père, et cependant quand au
bruit de la détonation toutes les portes de la rue du Moulin où habitent les
Tardieux s’ouvrirent, quand on sut ce qui s’était passé, le cri général
fut : « au moins l’a-t-il tué ? ». Personne ne songea
à reprocher à Charles Tardieux l’acte qu’il avait commis.
Cependant les
autres enfants de la victime s’empressèrent autour de lui et bientôt on acquit
la preuve que Cadet Tardieux atteint à l’épaule droite et de quelques grains de
plomb au cou, n’était que blessé et peu dangereusement.
Le coup fait,
Charles Tardieux alla trouver le maire, M. Létoille et lui conta ce qu’il
venait de faire. M. Létoille pria le garde d’accompagner Charles Tardieux chez
M. Moreau-Létoille, débitant, de lui faire donner une chambre et de le garder à
vue.
Le lendemain
matin Charles Tardieux et le garde de Guivry se mettaient en route et venaient
se présenter à la gendarmerie de Chauny.
Le juge de
paix et le parquet de Laon furent avisés, et tous deux descendaient jeudi vers
trois heures après-midi à Guivry, tandis que les gendarmes ramenaient Tardieux.
Le parquet a assisté alors à une scène singulière. Quand le prisonnier est revenu dans son village, quand il en est reparti, toute la population était là, et plus d’un s’en vint lui serrer la main. Ces manifestations se sont reproduites samedi à Chauny où un certain nombre d’habitants de Guivry, qui étaient venus au marché, ont assisté au départ pour Laon de ce garçon, dit la Défense. »
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