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mardi 11 août 2020

GUIVRY - EPHEMERIDE - 11 AOUT

Cela s'est passé à Guivry le 11 août 1917

Journal de guerre de Paul Pouillier :

« ...C’est de Guivry, un petit village de l’Aisne que je vais recommencer mes notes. Certes, elles n’auront pas la même valeur qu’en Orient. Ici ce ne sont plus les contrées lointaines, mais bien la vieille et bonne terre de France, ce n’est plus l’exil, mais la Patrie. D’ailleurs le pays est bien dissemblable avec celui de la Macédoine. Aucune comparaison ne peut être faite. C’est les bras ouverts que la population nous reçoit. Elle est très accueillante. Elle a tellement souffert pendant le séjour des Allemands. Ces derniers, en partant ont tout dévasté. Pendant les derniers jours de leur occupation, ils ont emmené jusqu’aux gouttières, que d’ailleurs ils ont abandonnées à Flavy le Martel, je crois. Bien entendu, je ne veux point parler de perquisitions. Chaque maison a été fouillée de fond en comble ; aucun recoin n’a été oublié. Pour le pillage, ce sont des maîtres. De sorte que les pauvres habitants manquaient de tout. Une fermière à qui les Allemands avaient pris une quinzaine de vaches, me racontait que pendant l’hiver elle ne pouvait s’éclairer, ainsi que les autres habitants, qu’à l’aide de bougies. Or la quantité de cette dernière marchandise, fournie par le service du ravitaillement américain, était d’une par mois. Pour s’en procurer d’autres, ils étaient obligés d’aller se fournir à la cantine boche, quand encore cette dernière voulait bien leur en livrer.
Mais heureusement, les boches sont partis brusquement de sorte qu’ils n’ont pas eu le temps de commettre tous leurs méfaits habituels. Bien des maisons sont encore debout. Ce sont celles dont les habitants sont restés lors de l’occupation. Par contre, les autres ont été entièrement brûlées. Je parle pour Guivry, car du côté de Villequier, il n’en est pas de même. Le pays est entièrement dévasté. Si les Allemands n’ont pas touché aux maisons, ils ont emporté tout ce qui était à leur convenance, c’est ainsi que les animaux ont été emmenés : les matelas eux-mêmes n’ont pas été épargnés. Les instruments agricoles, matériel de toute sorte ne pouvant êtres transportés, furent placés dans un même endroit et rendus inutilisables. C’est ainsi que les Allemands entendent la Kultur. Mais c’est la leur, il ne faut pas s’y tromper. Quand aux différents endroits présentant des abris ou défenses, tout fut sauté. C’est ainsi que les carrières proches du village furent obstruées.



Dans les bois qui avoisinent Guivry s’élève maintenant un observatoire dominant tous les environs jusqu’à Saint-Quentin, parait-il. Cet observatoire construit par les Français peut plutôt servir comme souvenir historique que comme moyen de guerre. Il est trop visible. Les Allemands avaient été plus ingénieux. Ils se sont servis d’un arbre dans lequel, à l’aide de quelques planches, ils avaient installé leur observatoire. Et certainement, de loin personne ne pouvait l’apercevoir. En partant, ils ont tout abattu : et c’est sur cet emplacement que les nôtres ont construits l’espèce de tour carrée capable de servir d’observatoire.
Hier, je me suis rendu à Noyon ; et j’ai pu constater que la ville avait été peu abîmée : seuls les boulevards extérieurs présentaient des traces de bombardement, ainsi que quelques maisons près de l’hôpital central. C’est une ville d’ailleurs assez agréable mais qui en ce moment est trop remplie de service d’arrière.
Bien entendu, cette contrée ne vaut pas Laricharde. Ce n’est pas la même chose. Certes les habitants sont très accueillants ce qui d’ailleurs n’a rien d’étonnant après tout ce qu’ils ont souffert ; mais il manque quelque chose. Là-bas, je me trouvais presque en famille, ici je suis un soldat qui passe et à qui l’on fait bon accueil.
Je les regretterai pendant longtemps, les bonnes soirées de Laricharde.
Je commence à m’habituer à mon nouveau genre de vie. J’ai moins le cafard maintenant, mais les premiers jours c’était dur pour m’y faire. D'ailleurs la philosophie est une excellente chose. Tôt ou tard, il eût fallu m’arracher à ce séjour agréable, qui certes, quoique ne valant pas la vie familiale était pour moi réconfortant. Et maintenant que c’est fait, n’y songeons plus, qu’à titre de bon souvenir. Je m’y suis créé des amis, là-bas et si par hasard j’avais l’occasion d’y repasser, nous pourrions ensemble parler du temps où le soir, nous nous trouvions réunis à la prière et où j’employais le reste de mon temps à arroser les fleurs et plantes potagères du boulanger.
Maintenant c’est la vie active qui reprend. Quand finira-t-elle ? »

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